Une Histoire de Partage (11) : l’école Korczak

📚 Et si, au cœur du pire, quelqu’un avait continué à faire l’école, comme un acte de résistance silencieux ?
Dans le ghetto de Varsovie, entre 1940 et 1942, alors que les privations, les violences et les déportations rythmaient le quotidien, Janusz Korczak – médecin, pédagogue, directeur d’orphelinat – a maintenu une école gratuite pour les enfants juifs, dans le respect total de leur dignité et de leur droit à apprendre.
👨🏫 Une pédagogie fondée sur la justice et la confiance
Janusz Korczak (1878–1942), de son vrai nom Henryk Goldszmit, était déjà connu en Pologne avant la guerre pour son travail éducatif novateur. Il dirigeait un orphelinat à Varsovie selon des principes pédagogiques avancés pour l’époque :
– écoute active de l’enfant,
– droit à l’erreur,
– conseils d’enfants élus pour régler les conflits,
– journal rédigé par les enfants eux-mêmes.
Lorsqu’en 1940 les nazis enferment des centaines de milliers de Juifs dans le ghetto de Varsovie, Korczak et son orphelinat y sont déplacés. Malgré des conditions inhumaines (faim, maladies, froid, persécutions), il continue à faire classe chaque jour.
📖 Une école dans l’ombre, mais rigoureuse
L’école clandestine de Korczak n’était pas improvisée. Elle s’appuyait sur une structure pédagogique stable, des routines quotidiennes, des apprentissages organisés.
Les enfants apprenaient à lire, écrire, compter, mais aussi à raisonner, discuter, réfléchir au bien et au mal. Ils participaient à des débats, lisaient des histoires, jouaient des pièces de théâtre.
Tout cela sans livres neufs, sans chauffage, sans sécurité. Mais avec exigence, patience et constance.
Pour Korczak, instruire un enfant, même dans un ghetto, c’était lui rappeler qu’il est un être humain à part entière. Que sa pensée a de la valeur. Que son avenir compte, même quand tout l’extérieur lui affirme le contraire.
🧭 Un projet peu connu du grand public, mais fondateur
L’orphelinat de Korczak a été liquidé en août 1942. Refusant d’abandonner les enfants, il les a accompagnés jusqu’au bout, jusqu’au camp d’extermination de Treblinka. Très peu d’entre eux ont survécu.
Mais ce projet éducatif mené sous la terreur reste aujourd’hui un symbole fort : celui de l’éducation comme résistance non violente, comme affirmation de la dignité humaine face à l’inhumanité.
Les écrits de Korczak, ses lettres, ses journaux pédagogiques, ses récits pour enfants, continuent d’être traduits, étudiés, enseignés dans le monde entier. Son école, bien que discrète et éphémère, a influencé de nombreux penseurs de l’éducation, y compris après-guerre.
💬 Une morale à vivre aujourd’hui
Dans un monde où l’école peut parfois sembler secondaire, où l’attention aux plus fragiles est vue comme un luxe, l’exemple de Janusz Korczak pose une question claire : qu’est-ce qu’on transmet vraiment à un enfant, même dans l’adversité ?
Il nous rappelle que :
– éduquer, ce n’est pas seulement transmettre des savoirs, c’est aussi reconnaître l’humanité de l’autre, même quand tout l’environnement cherche à l’effacer,
– et que protéger l’enfance, c’est protéger l’idée même de société.
Dans notre vie quotidienne, cela peut se traduire par :
– prendre le temps d’écouter un enfant sans l’interrompre,
– encourager la curiosité plutôt que l’obéissance,
– créer des espaces où chacun peut apprendre sans peur d’être jugé.
Maintenir une école dans un ghetto, c’était croire en la valeur d’un enfant quand plus personne ne voulait la voir. Aujourd’hui encore, cela témoigne du début d’une résistance essentielle.
