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Une Histoire de Partage (17) : le café suspendu à Naples

Et si la solidarité pouvait tenir dans un simple ticket de caisse ?

À Naples, depuis plus d’un siècle, il existe une coutume populaire appelée « caffè sospeso » – littéralement café suspendu. Le principe est simple : on entre dans un bar, on commande un café… et on en paie deux. Le deuxième est pour un inconnu, une personne qui n’a pas les moyens ce jour-là. Elle pourra, plus tard, entrer dans le même bar et demander : « Y a-t-il un café en attente ? »

Cette tradition, à la fois discrète et profondément ancrée, repose sur la confiance, la simplicité, et l’idée que même un petit geste peut faire la différence.


🗺️ Une pratique née dans les quartiers populaires

L’origine exacte du caffè sospeso est difficile à dater précisément, mais les premières traces connues remontent au début du XXe siècle à Naples. La pratique s’est développée dans les cafés ouvriers de la ville, en particulier pendant les périodes de crise économique ou de guerre.

Elle s’est ensuite transmise oralement, sans structure officielle, sans organisme intermédiaire, mais avec une règle implicite :

si je peux me permettre un geste en plus, je le fais — pour quelqu’un que je ne connais pas, mais qui partage ma ville, ma rue, mon besoin de chaleur.

Dans certains cas, ce n’est pas un café qu’on laisse, mais un pain, un sandwich, un petit-déjeuner : on parle alors de pane sospeso, « pain suspendu ».


🔄 Une économie de don non spectaculaire

Ce qui distingue le caffè sospeso, c’est qu’il n’est pas lié à un statut social particulier :
– celui qui donne n’est pas applaudi,
– celui qui reçoit n’est pas désigné,
– il n’y a pas de contrôle ni de conditions.

Cette simplicité évite la stigmatisation et favorise une solidarité horizontale. On ne donne pas « vers le bas ». On partage latéralement, dans un même lieu, un même geste, un même besoin.

Certaines villes dans le monde (Buenos Aires, Istanbul, Montréal…) ont depuis adapté la pratique à leur contexte. Des boulangeries, restaurants, librairies ont repris le principe en créant des « produits en attente » à disposition des plus précaires.


🌍 Une portée plus large qu’un simple café

Ce geste, en apparence anodin, interroge en profondeur notre rapport à la consommation et à l’aide sociale. Le caffè sospeso montre qu’il est possible de créer des micro-espaces de solidarité dans des lieux ordinaires, sans passer par une grande organisation ou un programme national.

Il transforme un espace commercial (le bar) en lieu de lien invisible, où celui qui n’a pas d’argent peut tout de même retrouver un peu de dignité, en demandant un café, pas une faveur.

Dans un monde souvent marqué par la méfiance ou la complexité administrative, cette logique redonne du pouvoir d’agir à chacun, simplement, avec une pièce de monnaie en plus.


💬 Une morale simple et toujours d’actualité

Le caffè sospeso nous rappelle qu’un acte de solidarité n’a pas besoin d’être spectaculaire pour être utile.

Dans notre quotidien, cela peut se traduire par :

– laisser un repas payé en avance dans une boulangerie,
– déposer un vêtement chaud dans une boîte à don,
– offrir un accès libre à quelque chose qu’on maîtrise (cours, réparation, écoute),
– ou simplement faire un geste, sans attendre de reconnaissance.

Ce n’est pas le montant qui compte, mais l’intention partagée.

Et peut-être que, dans une journée difficile, quelqu’un pourra dire :
« J’ai eu un café que je n’ai pas payé, parce qu’un inconnu a pensé à moi. »

C’est peu de chose. Mais c’est une preuve que la ville n’est pas faite que d’indifférence.

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